Les pédagogues de la Troisième République, confrontés à toutes sortes de populations scolaires non francophones, ont pu hésiter entre deux méthodes au moment de leur inculquer le plus rapidement possible le français. Soit ils passaient par le truchement des langues régionales (ou "patois"), soit ils se refusaient à en employer un seul mot et mimaient les gestes et montraient les objets en désignant les uns et les autres exclusivement en français. On sait que l'inspecteur général Irénée Carré a attaché son nom à cette seconde méthode, la plus radicale. Mai sait-on également qu'il y eut de vrais débats, à la fois techniques et politiques, et qu'un autre inspecteur général, Félix Pécaut, n'était pas favorable à la méthode de Carré et qu'il préconisait une école beaucoup plus "bilingue", au moins pour apprivoiser les nouveaux élèves ? La querelle a spécialement visé la Bretagne et le Pays basque, mais aussi le Béarn ; et l'Algérie comme la Tunisie coloniales, les fondateurs de l'école primaire française en Tunisie, dans les années 1880, se défiant de la méthode Carré ; tandis que Moïse Fresco, un des principaux auteurs de manuels à destination des écoles de l'Alliance israélite universelle dans le bassin méditerranéen, faisait sienne la méthode de Carré. On ne peut parler dans ce cas d'une imposition par l'État jacobin, puisque l'Alliance israélite est une association communautaire privée.

Questions de méthodes ; questions d'échelles, ou de distance (le Béarn est moins "éloigné" de la langue française que son voisin le Pays basque) ; question de responsables : Carré vient de l'une des rares régions de France où le français est langue régionale, Pécaut vient du Béarn, Machuel (le fondateur de l'école primaire française en Tunisie) est né en Algérie et parle l'arabe.